POÈTES CHINOIS
ma santé fragile
et notamment mes affections
oto-rhino-laryngologiques
à répétition
m'ont privé d'une carrière
de poète chinois
du 8e siècle
en ces jours d'hiver le mercure
du thermomètre descend
jusqu'à moins 10 degrés
(moins 18 en température ressentie
avec le vent du nord)
et je m'imagine mal
vivant solitaire
dans une hutte de branchages
au sommet de la montagne
même en été
comment pourrais-je dormir
à même le sol
sur une couche de feuilles
une pierre plate pour oreiller
dévoré par les insectes
alors qu'adolescent je ne supportais
déjà pas le camping
de Palavas-les-flots
mon féroce appétit
ne saurait se satisfaire
d'un bol de riz quotidien
qu'il me faudrait mendier
de surcroît
et si je bois à l'occasion
un doigt de marc de Bourgogne ou une bière
blonde
je ne pourrais pas m'enivrer
des nuits entières
de vin de sorgho
ou d'alcool de riz
sans éprouver les symptômes
d'une crise hépatique
tels que nausées
et vomissements
disons-le tout de go
je n'ai pas la constitution physique
requise
pour de telles épreuves
ni le goût de la solitude
et d'une vie frugale
sans confort
et sans une provision de médicaments
contre la toux l'angine
la rhinite la sinusite
et la bronchite
chronique
voilà pourquoi je n'écris pas d'aussi bons poèmes
que les poètes chinois
du 8e siècle
voilà pourquoi je n'écris pas de poésie
du tout
j'ai plutôt le profil
d'un mandarin
qui lit bien à l'abri
et bien au chaud
les poèmes de LI PO