TOKYO
je me souviens de ce mendiant
sur le trottoir d'une rue à Tokyo
près de mon hôtel
il restait perpétuellement assis
sur une chaise
et sous un grand parapluie noir
ouvert et fixé
au dossier de la chaise
la nuit
ou les jours de pluie
il refermait soigneusement
l'espace autour de lui
avec une feuille de plastique
pour se constituer un étroit
habitacle en forme de tube
transparent
il ne bougeait presque pas
tenait peu de place
affichait un sourire permanent
et ne faisait pas même le geste
de mendier
j'avais lu que le quotidien
MAINICHI SHIMBUN
organisait un concours annuel
de haïkus
et qu'un mendiant
avait obtenu cette année-là
le prix du meilleur poème
je me suis demandé
si l'homme près de mon hôtel
était ce fameux lauréat
ou s'il était déjà parvenu
à cet état supérieur
de la sérénité
qui n'a plus besoin
des mots