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noval - Page 3

  • Journal 16

    LEÇON D'ANGLAIS

     

    chaque fois que je vais

    à Seattle

    pour raisons familiales

     

    je rends visite

    à la superbe et vaste librairie

    The Elliott Bay Book Company

    au numéro 1521

    de la 10e avenue

     

    pour acheter

    un nouveau livre de poésie

    de Charles Bukowski

    en langue originale

    dont je déchiffre

    les difficultés

    à l'aide de mon vieux

    LAROUSSE anglais/français

     

    je n'ai plus besoin

    d'ouvrir le dico

    pour connaître le sens

    du mot whore *

    que l'auteur utilise

    plus souvent

    que la moyenne

     

    ce sont la vertu

    de la répétition

    du mot whore

    et les nombreux exemples

    de ce terme employé

    dans des phrases concrètes

    qui m'ont permis

    de le mémoriser

     

    comme quoi il ne sert à rien

    d'apprendre par cœur

    des listes de vocabulaire

    qui vous ressortent

    aussitôt

    de la tête

     

    je ne connais pas de meilleure

    méthode qu'une lecture

    studieuse de Bukowski

    pour améliorer son niveau

    en anglais

     

    * whore : putain

     

     

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  • Journal 15

    BROUILLONS

     

    récemment j'ai vu resurgir

    son nom

    au sommaire de 2

    ou 3 revues de poésie

    et après avoir lu quelques-uns de ses textes

    d'une facture assez classique

    je trouve qu'elle s'est beaucoup

    améliorée

    depuis la lointaine époque

    où elle m'avait montré

    ses premiers poèmes

    peu convaincants

     

    mais mes propres textes

    ne devaient pas l'être

    davantage

     

    cette lecture m'a rappelé

    une brève période

    tourmentée

    pendant laquelle nous vécûmes une relation

    d'une grande médiocrité

    dont j'étais certainement

    autant responsable

    qu'elle

     

    le soir j'allais la rejoindre

    dans son appartement

    juste au-dessus d'un restaurant

    qui existe encore

     

    une bonne table lyonnaise

    où l'on sert des plats traditionnels

    de qualité

     

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  • Journal 14

    POÈTES CHINOIS

     

    ma santé fragile

    et notamment mes affections

    oto-rhino-laryngologiques

    à répétition

    m'ont privé d'une carrière

    de poète chinois

    du 8e siècle

     

    en ces jours d'hiver le mercure

    du thermomètre descend

    jusqu'à moins 10 degrés

    (moins 18 en température ressentie

    avec le vent du nord)

    et je m'imagine mal

    vivant solitaire

    dans une hutte de branchages

    au sommet de la montagne

     

    même en été

    comment pourrais-je dormir

    à même le sol

    sur une couche de feuilles

    une pierre plate pour oreiller

    dévoré par les insectes

    alors qu'adolescent je ne supportais

    déjà pas le camping

    de Palavas-les-flots

     

    mon féroce appétit

    ne saurait se satisfaire

    d'un bol de riz quotidien

    qu'il me faudrait mendier

    de surcroît

     

    et si je bois à l'occasion

    un doigt de marc de Bourgogne ou une bière

    blonde

    je ne pourrais pas m'enivrer

    des nuits entières

    de vin de sorgho

    ou d'alcool de riz

    sans éprouver les symptômes

    d'une crise hépatique

    tels que nausées

    et vomissements

     

    disons-le tout de go

    je n'ai pas la constitution physique

    requise

    pour de telles épreuves

     

    ni le goût de la solitude

    et d'une vie frugale

    sans confort

     

    et sans une provision de médicaments

    contre la toux l'angine

    la rhinite la sinusite

    et la bronchite

    chronique

     

    voilà pourquoi je n'écris pas d'aussi bons poèmes

    que les poètes chinois

    du 8e siècle

    voilà pourquoi je n'écris pas de poésie

    du tout

     

    j'ai plutôt le profil

    d'un mandarin

    qui lit bien à l'abri

    et bien au chaud

    les poèmes de LI PO

     

     

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  • Journal 13

    HÔTEL-DIEU

     

    je n'ai gardé aucun souvenir

    du jour précis de ma naissance

    et suis obligé de faire confiance

    au registre d'état civil

     

    selon lequel je serais né

    un 14 juillet du siècle précédent

    à l'Hôtel-Dieu

    de Lyon

     

    dans ce vénérable hôpital

    fondé en l'an 542

    où Rabelais exerça la médecine

    où le chansonnier Pierre Dupont vit le jour

    et qui a été récemment fermé

    transformé

    en hôtel de luxe

    par un maire de gauche aux idées libérales

     

    résumons-nous

    je suis né dans une maternité

    qui n'existe plus

    au cœur d'un hôpital

    qui n'existe plus

    mes géniteurs

    ne sont plus

     

    je garde précieusement

    mon acte de naissance

    établi par l'officier d'état civil

    de la mairie du 2e arrondissement

    attestant que je suis né de Marius François

    et de Félicité

    à une heure du matin

     

    (le document ne précise pas

    que la nuit fut orageuse

    comme le racontait ma mère

    à tout le voisinage)

     

    c'est la seule preuve matérielle

    de ma naissance

    de ce jour à marquer

    d'une pierre blanche

    où s'enclencha

    le compteur

    de ma longévité

    programmée

     

     

     

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  • Journal 11

    TRANSHUMANCE

     

    quand vient le temps

    de la transhumance

     

    les poètes descendent

    en voiture en stop en train

    vers le midi

     

    où se tiennent l'été

    les festivals de poésie

    qui durent une semaine

    ou même davantage

     

    le temps de mieux se connaître

    et de se rapprocher

    le temps de flirter

    et plus si affinités

     

    les festivals de poésie

    ne servent qu'à mettre

    en relation

    les poètes

    et les poétesses

    pour qu'ils se reproduisent

     

    c'est l'équivalent

    du bal

    du samedi soir

    dans les campagnes

     

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  • Journal 10

    TOKYO

     

    je me souviens de ce mendiant

    sur le trottoir d'une rue à Tokyo

    près de mon hôtel

     

    il restait perpétuellement assis

    sur une chaise

    et sous un grand parapluie noir

    ouvert et fixé

    au dossier de la chaise

     

    la nuit

    ou les jours de pluie

    il refermait soigneusement

    l'espace autour de lui

    avec une feuille de plastique

    pour se constituer un étroit

    habitacle en forme de tube

    transparent

     

    il ne bougeait presque pas

    tenait peu de place

    affichait un sourire permanent

    et ne faisait pas même le geste

    de mendier

     

    j'avais lu que le quotidien

    MAINICHI SHIMBUN

    organisait un concours annuel

    de haïkus

    et qu'un mendiant

    avait obtenu cette année-là

    le prix du meilleur poème

     

    je me suis demandé

    si l'homme près de mon hôtel

    était ce fameux lauréat

    ou s'il était déjà parvenu

    à cet état supérieur

    de la sérénité

    qui n'a plus besoin

    des mots

     

     

     

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  • Journal 9

    RETRAITE

     

    une maison à la campagne

    et un hiver rigoureux

    sont des conditions favorables

    à l'écriture

    et à la misanthropie

     

    dans une solitude choisie

    je me guéris de la ville

    et de son agitation

    artificielle

     

    la fréquentation des poètes urbains

    mâles ou femelles

    ne me manque pas

    plus que d'autres nuisances

    comme le bruit dans l'appartement voisin

    les dealers dans la cage d'escalier

    la pollution aux particules fines

    les vélos qui roulent sur les trottoirs

    l'agressivité dans les rues

    ou dans les allées du centre commercial

     

    je ne regrette que la bibliothèque

    riche de 2 millions de livres

    les restaurants japonais

    et le MONOPRIX

     

    où j'achetais mon bacon crispy

    fumé au bois de hêtre

    et ma salade de petites seiches

     

    produits introuvables

    dans ce superbe

    trou

     

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